mardi 1 février 2011
'Agriculture urbaine, parc urbain, circuits courts' : synthèse de la réunion d'orientation scientifique organisée par Vhyb le 27 janvier 2011
Comité d’orientation scientifique : Stéphane De Cara (INRA), Claude Duval, agriculteur et Maire de Mellé (Ille et Vilaine), Marie Eisenmann (Urbainculteurs), André Fleury (ENSP), Anne-Valérie Goulard (Lyonnaise des Eaux), Gérard Gross (Région Nord Pas de Calais), Vincent Hannoun (étudiant en architecture), Christian Lévèque (IRD), Olivier Marboeuf (Khyasma), Louis Moutard (AREP), Ilaria Pasini (ENSP), Alain Renk (R+P),Valérie Rosenwald (Terre de liens), Marion Talagrand (l’Atelier de paysage et d’urbanisme), Constant Van Aerschot (Lafarge), Nicolas Wisser, agriculteur et maire de Bioussac (Charentes)
Objectifs du forum (second semestre 2011, espace Khyasma, Les Lilas) :
éclaircir le thème et présenter des retours d’expériences français et étrangers auprès des élus locaux, agriculteurs, associations d'habitants, aménageurs, administration centrale, filières professionnelles amont-aval de conception et mise en œuvre des projets d’aménagement
L'agriculture urbaine est une réalité aussi ancienne que la ville elle-même. Tant et aussi longtemps que l'humanité était dépourvue de transports rapides et efficaces, les produits frais, végétaux et animaux, se cultivaient aux abords des villes. Jusqu'à la fin du XIXe siècle, Paris était entourée d'une ceinture maraîchère et d'un vignoble qui était le plus étendu de France. Outre qu'elle nourrissait la ville, l’agriculture des pourtours récupérait les déchets et les eaux usées pour l'entretien des sols. Avec l'essor des transports rapides, l'agriculture s'est éloignée de ses débouchés et s'est industrialisée, souvent dans régions rurales vouées à la monoculture (Marc Chevrier, ‘L'agriculture urbaine ou les paysages nourriciers de la ville’).
L’agriculture urbaine est un concept à la confluence des sphères politique, économique, technologique, environnementale et sociétale.
1-Définition, enjeux, objectifs
Il s’agit de dissocier l’agriculture urbaine, en zone urbaine dense, de l’agriculture péri-urbaine qui ne renvoient pas aux mêmes pratiques, représentations, enjeux et objectifs.
a-L’agriculture urbaine (en zone urbaine dense) est un terme générique qui définit un ensemble de pratiques (ex : jardins communautaires, de type horticole, maraîcher ) à vocation pédago-éducative (jardinage, connaissance des plantes, éducation du goût), social (création de lien entre les habitants), économique (agriculteurs des AMAP) qui n’ont pas pour objectif premier de couvrir les besoins alimentaires.
Pour autant :
Les dimensions pédago-éducative et économique ont-elles un effet sur le type et le mode de production de l’agriculture en zone péri-urbaine ?
La dimension sociale de l’agriculture urbaine de type jardins communautaires - création de lien entre les habitants- peut-elle avoir vocation à établir une réelle relation –qui dépasse la dimension de lien économique avec les agriculteurs des AMAP-entre citadins et agriculteurs voire ruraux ?
En même temps, en quoi l’agriculture urbaine pose-t-elle la question du mode de vie à laquelle aspire les citadins ? Comment se définit-il exactement ? Quel est son contenu ?
Quels sont les ‘mythes’ structurants de notre rapport à la ‘nature’ qui soient porteurs d’une dynamique culturelle, sociale et économique ?
La biodiversité-au sens scientifique du terme- a-t-elle sa place en zone urbaine dense ? Les habitants ont-ils davantage une appréhension a minima ‘parc d’attraction’ et a maxima pédagogique et sociale de la ‘nature’ ? Pour autant la biodiversité réelle en zone urbaine dense doit-elle être négligée ? Sous quelle forme l’introduire et avec quel objectif ? Pédagogique ? Environnemental ?
b-L’agriculture urbaine (en zone péri-urbaine) est au centre d’enjeux d’organisation du territoire et économiques forts, voire sources de relations tendues entre les acteurs d’une gouvernance extérieure au territoire (établissements publics d’aménagement) et les acteurs locaux (élus, agriculteurs, associations d’habitants). La problématique foncière renvoie à des logiques d’exploitation du sol souvent inconciliables (logement, transport, espace de loisirs VS surfaces agricoles).
Questions :
Comment concilier étalement péri-urbain et préservation des surfaces agricoles ? En somme de quelle ville et de quelle agriculture voulons-nous ?
Quelle est la perception de l’agriculture urbaine par les rurbains et les ruraux ?
Comment rapprocher des populations aux aspirations, objectifs, représentations divergents dans leur rapport à la ‘nature’ (utilitaire, économique, ludique, cadre de vie) ?
2-Gouvernance locale, politique publique
L’agriculture urbaine en zone péri-urbaine est plutôt définie en dehors du monde agricole ; impliquer les agriculteurs dans la définition de l’agriculture urbaine et dans le co-développement de stratégies économiques au sein d’une gouvernance locale élargie semble incontournable.
Questions :
Comment résoudre la question de l’hétérogénéité sociologique, politique et économique des composantes potentielles de la gouvernance ? Quels acteurs impliquer ?
La réforme sur les collectivités territoriales est-elle propice à la composition de cette gouvernance, à créer des projets innovants et pérennes ?
Les politiques de préservation des surfaces agricole engagée par certaines agglomérations (Nantes, Marseille) suffisent-elles à pérenniser la rentabilité économique des exploitations existantes ?
Quels types d’exploitations réussissent la transition vers un nouveau modèle agricole aux contours encore peu clairs ?
3-Exploitation, stockage distribution
L’agriculture urbaine en zone urbaine dense et en périphérie des agglomérations demande d’adapter la ville et sa périphérie aux nouvelles contraintes en termes d’exploitation des surfaces agricoles, de stockage des denrées, de transport et de distribution.
Deux exemples de modèles :
Villes denses entourées d’une ceinture verte (conséquence : allongement du temps de transport des habitants)
Villes verticales (conséquence : tension sur le prix/m²)
Entre autres solutions, le parc urbain est-il une alternative crédible ? De quoi se compose-t-il ? En quoi peut-il faire système avec le concept de parc industriel (petites installations de gestion des déchets, des eaux usées, de production d’énergie) ? A quelles conditions sociétales et institutionnelles ? De quels retours d’expérience dispose-t-on ?
Comment les aménageurs intègrent-ils ces réflexions dans leurs projets d’aménagement ? à quelles difficultés sont-ils confrontés ? Comment opèrent-ils ?
Les offres alternatives de type AMAP, excédents des jardins familiaux, agriculture hydroponique (culture hors sol sur les toits des immeubles) ont-elles intérêt à s’organiser en coopératives ? Comment s’organisent les acteurs de la grande distribution et de la distribution spécialisée pour répondre à cet enjeu ?